Différentespersonnes rêvent de se disputer avec l'analyse de rêve en colère de ma sœur. Les gens amoureux ont rêvé qu'ils étaient très en colère contre le combat de sa sœur, expliquant qu'ils le feraient, et ils avaient un mari et une femme. Les gens qui voyagent rêvent qu'ils sont en colère contre sa sœur. Il est recommandé de ne pas sortir. Il vaut mieux reporter. Cequi convient de faire [à cette sœur] c’est de la conseiller avec douceur, d’une façon à stabiliser ses affaires et à lui rendre sa piété, tant qu’il peut. S’il en incapable et que sa sœur s’entête à commettre les actes de désobéissance, il doit la détester de la même façon qu’il l’avait aimé. Cela est impliqué Maisà partir de là, rêve que tu es tué avec une épée, alors il vient pour indiquer que nous devons prendre conscience et changer notre comportement envers les autres. Peut-être donnons-nous une image qui ne nous correspond pas. Rêver d'être tué avec une hache. Seulement avec rêve d'une hache ou d'une machette, nous créons un sens qui mérite d'être mentionné. C'est Uneinterprétation objective d’un rêve cherche sa signification directement dans la situation exposée, sans transposer ces images oniriques. Si l’on rêve d’un conflit avec son frère ou sa sœur, de paroles blessantes, d’une gifle on cherche à expliquer ce scénario et à en comprendre l’origine : Quel est ce conflit qui est Pourrêver de la sœur, sachez dans l'article d'aujourd'hui, lisez la suite pour notre guide complet. Si vous cherchez ce que signifie rêver de votre sœur ou si vous voulez bien comprendre ce que des visions avec votre sœur vous montreraient dans différentes situations. Nous partageons les réponses à ces rêves que vous ne faites pas Interprétationdes rêves, roqya, djinn. La nuit dernière j’ai rêver de ma petite soeur qui est de 2 ans et demis plus jeune que moi ( j’ai 27 ans). À savoir que nous somme en froid depuis 2-3 semaines. Et à savoir aussi que je suis enceinte de 5 mois.. je rêve très souvant et je me souviens toujours de mes rêve comme si ça n Mariahs'est plusieurs fois rappelée avoir vu ses parents se disputer violemment. En 1973, alors qu'elle n'avait que trois ans, Mariah a finalement divorcé. La sœur aînée de Mariah, Alison, est restée avec leur père tandis que Mariah et son frère Morgan sont restés avec leur mère. Peu à peu, Mariah s'est séparée de son père Translationsin context of "de se disputer avec" in French-English from Reverso Context: Il est inutile de se disputer avec des personnes ayant d'autres valeurs. Translation Context Grammar Check Synonyms Conjugation. Conjugation Documents Dictionary Collaborative Dictionary Grammar Expressio Reverso Corporate. Download for Windows . Log in. Register Log in Interprétationdes rêves: mot je rêvais de pourquoi dans un rêve rêvait d'un enfant dans les bras de sa sœur mourant? Pour choisir l'interprétation d'un rêve, entrez un mot-clé de votre rêve dans le formulaire de recherche ou cliquez sur l'initiale une lettre caractérisant un rêve (si vous souhaitez obtenir une interprétation en ligne des rêves avec une lettre gratuitement par Rêverde dispute : vous êtes déçu sentimentalement, attristé, jaloux mais aussi épuisé physiquement et mentalement. Préoccupé, vous n’avez plus confiance en vous et vos sentiments s’opposent dans vos relations privées. Il faudra écouter les critiques et travailler sur vos conflits intérieurs. 9h9f. Nous discutons dans nos rêves lorsque, en temps réel, nous maintenons nos opinions de peur qu'elles ne soient inappropriées ou qu'elles nous apportent des conséquences controversées. L'être humain a des besoins de communication qui vous permettent d'exprimer votre individualité aux autres, même si cela semble un acte hors de propos, n'est pas du tout. Lorsque vous fermez votre opinion, c'est comme si tu cachais une partie de ta personnalitéet quand vous avez l'habitude de cacher votre vrai point de vue, le subconscient commence à vider toute la frustration que vous avez entretenue. Rêver d'arguments est comme une catharsis, un moyen d'évasion. La discussion est une manière violente de mettre notre opinion sur la table, et nous avons recours à des actes soudains, car nous considérons que, sinon, nous ne pourrons pas nous exprimer, car l'environnement est fortement opposé à ce que nous disons. Nous nous battons parce que de cette façon nous essayons de nous imposer et, comme nous ne le faisons pas dans la vraie vie, nous nous projetons ainsi dans les rêves. Rêve de discuter Ce que tu as gardé et mangé à l'intérieur? Si vous vous êtes retrouvé à vous disputer avec quelqu'un dans un rêve à l'autre occasion, il y a un problème lié à cette personne ou à une situation spécifique qui vous fait vous sentir frustré, parce que vous n'avez pas pu prononcer votre point fermement, ou dans un environnement qui implique cela situation, vous avez exprimé le rejet de vos idées. Si dans votre rêve vous discutez fort, est une indication que le problème Il a gagné du terrain en vous et cause de sérieux désagréments. Si, au contraire, des gens se disputent autour de vous et que vous ne pouvez pas participer à la discussion, c'est le signe que désormais vous serez confronté à une situation qui nécessite renforcer votre estime de soi ou cela causera de grands dommages émotionnels. Que se passe-t-il dans la discussion? Voyant que les autres se disputent et que vous restez à l'écart est un signe que votre insécurité vous a amené à vous limiter à répondre aux attentes des autres, il est temps pour vous de vous concentrer sur la prise de parole. E vous vous disputez et au milieu de la discussion vous perdez votre voixEnsuite, cela montre que vous avez peur d'assumer la responsabilité de vos actes, c'est pourquoi vous avez décidé d'établir des relations de dépendance, car ainsi vous vous réfugiez dans les décisions de personnes qui montrent une personnalité plus forte que la vôtre. Perdre la voix au milieu d'une dispute est également interprété comme un présage que vous allez bientôt subir des changements qui vous conduiront à occuper une position inférieure dans votre travail et / ou environnement social. rêve de se disputer avec un être cher Rêve je discute avec mon partenaire Comment vous sentez-vous dans votre relation? Soyez honnête avec vous-même, ne répondez pas automatiquement que tout va bien, car si vous vous disputez avec votre partenaire, cela signifie que vous vous sentez contrôlé et limité dans la relation; Peut aussi refléter que vous découvrirez bientôt quelque chose lié à votre partenaire cela vous remplira de conflits internes. Se disputer avec votre partenaire dans les rêves dénote de la frustration et de l'insatisfaction face à ce que vous vivez. Si vous vous disputez avec votre partenaire et qu'il disparaît soudainement, cela signifie que l'autre partie ne se sent pas impliquée avec vous et le projet qui, en théorie, a été créé. Faites attention aux petits détailsIl est possible que votre relation soit soutenue par la commodité, le confort ou la peur du changement, plutôt que par le véritable amour. Au contraire, si vous remarquez que votre partenaire se dispute avec vous, Vérifiez ensuite vos attitudes envers cette personne, vous avez probablement développé beaucoup de contrôle et votre partenaire commence à lui en vouloir. Rêve de discuter avec ta mère Il est probable que vous résumiez une situation dans laquelle vous vous sentez pressé par votre mère; cependant, dans de nombreux cas, rêver de la figure maternelle dénote votre relation avec le concept de figure féminine et d'énergie. Cela peut indiquer que vous avez développé un conflit sur le paradigme féminin. Cependant, il est également possible que vous soyez en conflit avec la partie femelle de votre configuration spécifique, représenté par sa créativité, sa capacité à créer, tendresse, etc. Il est également possible qu'il s'agisse d'un avertissement indiquant que vous avez un blocage émotionnel qui a commencé à affecter des aspects importants de votre vie. Rêve de discuter avec un ami Vous serez trahi lorsque vous vous retrouverez à vous disputer avec un ami, c'est le signe qu'à partir de maintenant vous découvrirez quelque chose dans votre environnement qui vous fera vous sentir trahi. Si, dans votre rêve, votre ami participe également à la discussion, cela indique que vous serez impliqué dans des malentendus. Si vous voyez votre ami adopter une attitude sereine, Et même sourire, alors vous serez trahi par un proche, et cela affectera votre relation avec le monde. Rêve je discute avec ma soeur Si vous avez été impliqué dans une dispute avec votre sœur, vous avez développé des conflits avec un secteur ou un groupe social dont vous faites partie. Il est possible qu'auparavant vous vous êtes développé librement, et vous vous sentiriez défini dans ce groupe, cette activité ou ce concept; mais maintenant quelque chose a changé en vous et vous ne vous sentez plus en faire partie, c'est pourquoi vous vous sentez pris au piège et ne savez pas comment quitter le rôle que vous avez joué. Si vous vous disputez avec votre sœur et voyez comment votre sœur vieillit, vous voudrez peut-être laisser derrière vous une étape de votre vie, mais le poids de vos actions ne vous permettra pas de vous débarrasser d'elle facilement. Rêver que vous vous disputiez avec un ex-partenaire Vous laissez votre passé envahir votre vie, vous êtes probablement envahi par le regret et la nostalgie de ne pas avoir combattu assez longtemps pour une relation que vous attendez toujours avec impatience. Si vous voyez votre ex-partenaire pleurer alors, à partir de maintenant, vous recevrez des nouvelles liées à votre relation précédente qui vous rempliront de tristesse; peut-être qu'un événement vous fera remarquer que le temps est passé et qu'il n'est plus possible de revenir. Si vous constatez que votre partenaire actuel se dispute avec votre ex-partenaire, faites attention à l'état émotionnel de votre partenaire actuel, il est probable que l'ombre du passé ait laissé des traces et que votre partenaire actuel traverse une crise d'insécurité provoquée par l'image de votre relation passée. Travaillez pour renforcer votre lien et votre sécurité avec vous, car les effets d'ombre des événements passés peuvent provoquer des fractures majeures. Rêve de se disputer avec un homme Si l'objet de votre contestation est un homme, vérifiez vos paradigmes internes, vous serez probablement abandonner la subjectivité dans l'analyse de la réalité. Estes vous frapper avec la même pierre à plusieurs reprises, mais vous refusez d'accepter votre erreur parce que votre fierté est forte. L'homme représente l'énergie rationnelle et déterminée pour la réalisation des objectifs, si vous êtes contre cela, c'est une indication que vous vous accrochez à d'anciens schémas qui ne vous apporteront pas de bons résultats. N'oubliez pas que ce qui n'évolue pas et s'adapte aux changements est voué à périr. Rêve de discuter avec toi-même Il y a quelque chose dans vos caractéristiques que vous rejetez et que vous gardez caché. Il est important que vous travailliez sur votre estime de soi et que vous vous permettiez de projeter votre personnalité, car si vous ne le faites pas, vous finirez par être rempli de ressentiments pouvant conduire à des pratiques destructrices. Rêve de se disputer avec vous-même devant un miroir, et il se brise, donc certains des mensonges que vous avez dit s’effondrent, il est également possible qu’un secret que vous avez gardé avec zèle fasse surface et change radicalement le concept que vos proches avaient de vous. Si vous vous disputez avec vous-même et que vous devenez quelqu'un d'autre, c'est le signe que les attentes que les médias sociaux vous ont placées commencent à affecter votre stabilité émotionnelle et est un avertissement que si vous continuez à agir pour plaire aux autres Vous finirez par vivre accusé par le sentiment que des tiers contrôlent votre vie. Rêve de discuter avec ta famille Si dans ton rêve tu commences discussion avec votre groupe familial, Par conséquent, cela signifie que vous rencontrez des problèmes avec les caractéristiques les plus essentielles de votre personnalité. Les événements futurs sont susceptibles de vous faire vous demander si les actions que vous avez entreprises et les croyances que vous professez sont importantes et vous définissent complètement. Si votre famille vous entoure pendant que vous insultez, alors est un signe que vous avez vécu sous le déni de qui vous êtes, et peu importe à quel point vous insistez pour cacher une partie de vous-même, cela sort toujours. Si vous vous disputez et que vous voyez votre famille se rétrécir, vous perdrez confiance dans les questions essentielles pour vous et, à partir de là, vous pourriez vous sentir frustré à ce sujet. Tuer sa sœur dans un rêve et ses significations. Rêver de tuer sa sœur son sens et ses interprétations Rêver de tuer sa sœur, représente un mal-être, vous vous mettez la pression, dès qu’un obstacle se présente. Le rêve de sa sœur, symbolise également une forme de reconnaissance, chacun de nous, veut montrer le meilleur de nous-même, il est encore plus vrai lorsque c’est la famille. La sœur est synonyme de seconde maman, elle a se côté maternel, qui vous rassure, néanmoins vous êtes dans l’obligation de la respecter. Des lors que votre rêve, montre une moindre violence sur cette personne, alors vous allez subir une période sombre. Explications du rêve de se disputer et tuer sa sœur L’explication du rêve de se disputer et tuer sa sœur, dénote une attitude fausse dont vous serez la première victime. Tuer sa sœur lors d’une soirée, annonce un coup de foudre pas toujours heureux ou encore vous allez faire de mauvaises affaires sur le plan professionnel. Rêver de se battre et tuer sa soeur, promet de vivre un grand amour, cela représente une réussite au total dans l’union. Tuer sa sœur dans un accident de voiture, raconte que vous retenez des sentiments dans votre mémoire, en effet, vous n’arrivez pas à vous ouvrir aux autres. Que signifie le rêve d’avoir un manque après avoir tué sa sœur La signification du rêve du manque de sa sœur après l’avoir tué, signale une forme de liberté, vous êtes enfin libre, vous avez besoin de voyage, de vous divertir, vous serez toujours en bonne compagnie. Voir sa sœur tuer par un animal, annonce qu’une situation personnelle, on va s’améliorer, toutefois, ne relâchez pas la pression. Voir sa sœur se donner la mort, correspond à une amélioration de vous-mêmes, il est vrai que vous avez beaucoup travaillé sur vos traits de caractère. Rêver de tuer sa sœur dans votre maison, reflète votre puissance face à vos adversaires, le but n’est pas de les écraser, mais de les faire travailler pour vous. Exemples d’un rêve de voir quelqu’un tuer sa sœur Rêver de voir quelqu’un tuer sa sœur, vous informe de ce que vous pouvais espérer en joie ou en frustration avec vos nouvelles relations. Rêver de tuer sa sœur avec une arme blanche, apporte une note d’un assombrissement dans votre vie. Tuer sa sœur et l’enterrer, promet toutes les meilleures espérances de l’amour, de la maternité, on peut parler d’enterrer quelque chose de mauvais, sans parler d’un être. Rêver de tuer sa sœur alors qu’elle est gravement malade, exprime que votre projet est accompli, votre partenaire vous félicite. Détails du rêve de tuer sa sœur Rêver de tuer sa sœur, représente une forme de solitude, une solitude temporaire, préparant un futur intéressant. Se disputer avec sa sœur malade, symbolise la naissance ou la renaissance, l’éveil d’un être, une force vitale, qui vous amènera vers le début d’un amour. Rêver de tuer sa sœur avec une arme à feu, est un signe que vos relations actuelles, vous permettre d’être en confiance. Tuer sa sœur dans sa maison, est aussi un symbole de vitalité, de prospérité, de sagesse et d’union amoureuse avec comme point de chute la fécondité. Rêves en relation avec le rêve de tuer sa sœur voir Un rêve de tuer sa sœur Rêver de tuer sa mère Post Views 898 1Le théâtre des rêves s'ouvre sur une salle de séjour. Autour d'une table, une femme âgée raconte, évoque, rappelle. Sa fille la regarde en silence, captée par la magie de sa parole. Sa petite fille sollicite parfois sa mémoire, en l'interrogeant sur le passé, un passé déjà agité d'autres fois, au cours d'autres repas familiaux. Un fils, médecin, donne son point de vue scientifique, parfois sceptique, sur la question du rêve ; l'autre, plus spiritualiste, en déduit des conséquences sur l'ordre du monde, ses niveaux, leur hiérarchie. Entre-temps, le petit-fils apprend, tout en jouant avec son nouveau cadeau, les noms et les choses » de sa famille, qu'il ignorerait sans le récit de sa grand-mère ; sa mère, la belle-fille de Teresa, est, de la même manière, initiée à la saga familiale de ses alliés. 2Les convives sont les membres d'une famille sicilienne émigrée au nord de l'Italie au cours des années 70. Une fois de plus, le domaine italien, et notamment celui de l'Italie du Sud, s'est révélé un terrain particulièrement fertile pour mener une recherche autour du rêve1, terrain qui apparaît d'autant plus exceptionnel si l'on prend en considération l'extrême rareté des travaux ethnologiques sur cette question dans le contexte européen. L'enquête sur le pouvoir onirique et ses usages en Sicile a été conduite à partir de l'unité sociale dans laquelle il s'exerce et prend sens le groupe familial. Sans prétendre à l'exhaustivité, un cas particulier a été étudié, à travers le récit rétrospectif d'une femme sur les pratiques oniriques de sa famille. 3Revenons à la scène initiale, pour révéler un détail non dépourvu d'intérêt Teresa est ma grand-mère. Au cours du repas pascal, occasion exceptionnelle de rencontre avec sa progéniture puisque ses enfants vivent dans trois villes différentes, elle nous a parlé de ce qu'elle définit comme ses rêves ». Ses rêves sont autant les siens que ceux de sa parenté plus leurs gloses, étant donné qu'elle a intercalé dans le récit de ses songes le récit des songes des autres membres de son groupe parental et qu'elle a inséré les textes oniriques dans des contextes beaucoup plus vastes qui font émerger à la surface les vicissitudes de la vie des parents défunts. Dans le repas festif, la famille dans son unité métahistorique2 » composée des vivants et des morts a été, ainsi, réunie au fil du rêve. 4Cette ethnographie est une auto-ethnographie3, où je suis d'abord impliquée et seulement ensuite observatrice. Si le risque d'un terrain si proche » est celui de ne pas avoir, d'emblée, un regard suffisamment éloigné », lequel est constamment à construire, son avantage réside dans la connaissance d'innombrables détails qui viennent étayer l'analyse. Le problème, dans un travail de cette sorte, n'est, certes, pas l'insertion dans le groupe que l'on veut étudier, dans lequel on occupe déjà une place pour ainsi dire naturelle », mais, au contraire, la mise à distance critique de son propre rôle d'acteur et d'interprète à la fois, au sein de la communauté en question. En fait, le thème des rôles respectifs à l'intérieur de la famille de Teresa est l'un des aspects principaux de cette recherche. Les usages du rêve à l'intérieur du groupe familial qui semble graviter autour de Teresa4 ont été mis au premier plan, tandis qu'ont été laissés de côté, pour être repris plus tard, dans la même perspective heuristique, les textes oniriques5. Le partage des rôles dans la famille 5Comme si elle ne pouvait pas isoler son activité onirique de celle de sa famille, Teresa, en racontant ses rêves, introduit dans son récit les songes des autres membres familiaux. Mais à la question Qui, dans ta famille, rêvait, à part toi ? » elle répond Personne ! » Cette anomalie amène à s'interroger sur la signification qui est donnée au mot rêver » dans la famille de Teresa, signification particulière qui n'est certainement pas réductible à celle d' avoir, en dormant, une activité psychique6 ». Pour ce faire, on va utiliser, comme une image négative, la définition de ce qui est considéré comme ne pas rêver » Personne ne rêvait, à part moi, dans ma famille. Quand on demandait à ma sœur "Et toi, de quoi as-tu rêvé ?" elle disait "J'ai rêvé de quelque chose, mais je ne me souviens plus de quoi." Alors, ma mère avait foi en mes rêves. Dès que je me levais le matin, elle me demandait "De quoi as-tu rêvé cette nuit ?" » 6Si le fait de ne pas rêver est assimilé au fait de ne pas se souvenir de ses propres songes, le rêveur doit, alors, d'abord posséder une mémoire des images oniriques pour les construire en récits qui deviennent socialement disponibles. Aucune importance n'est donc attribuée au rêve en tant qu'activité privée, intime, intérieure. 7La mémoire rend possible la communication de sa propre activité nocturne, mais le rêveur doit encore vouloir en parler avec les autres. Si ne pas rêver était une forme d'impuissance, rêver est un acte de volonté. Gina, la sœur de Teresa, faute de mémoire, ne pouvait pas ; Salvatore, son père, ne veut pas rêver Mon père rêvait exceptionnellement. De temps en temps, mon père disait "Moi aussi, cette nuit, j'ai fait un mauvais rêve", mais il ne voulait pas le raconter. » 8De là émerge un autre caractère propre au rêveur l'habitude de faire des songes. Le rêve ne doit pas être un fait exceptionnel. Faire un seul songe, pour extraordinaire qu'il soit, ne suffit pas à donner à celui qui le fait le statut de rêveur ». Rêver est une compétence inégalement partagée qui s'exerce d'une manière constante, comme un métier ou plutôt comme une vocation, tout au long d'une vie. Or, il n'y a que deux femmes dans la famille qui correspondent au profil du rêveur Teresa et sa tante Angelina, la sœur de son père. 9Mais le matériau fourni par l'enquête, qui se présente comme un corpus enchevêtré de rêves familiaux, met en scène plusieurs personnages impliqués, à des degrés divers et de façon différente, dans l'activité onirique. Aussi convient-il, d'emblée, de préciser leurs positions généalogiques pour les relier, éventuellement, à leur position » onirique. 10On peut, d'abord, mettre en évidence une première répartition familiale des rôles, celle entre rêveurs, rêvés et interprètes des rêves. Le premier groupe comprend, pour le moment, tous ceux qui, dans la famille de Teresa, ont fait un rêve ». 11Du fait de la simple bipartition entre les rêveurs et les rêvés, on peut, déjà, tirer une conséquence très significative il n'y a pas de superposition des fonctions oniriques dans la famille. Soit on rêve, soit on est rêvé ; soit on joue un rôle actif, en étant rêveur, soit on occupe une position passive, en faisant l'objet du rêve. 12Existe-t-il, aussi, un partage sexuel des rôles à l'intérieur du groupe parental ? La catégorie des rêveurs est mixte, elle est composée de deux hommes et de trois femmes. Mais, lorsqu'on revient aux textes du rêve, on s'aperçoit que ce sont les femmes qui rêvent les morts, les hommes qui rêvent les saints, les femmes encore qui rêvent les présages symboliques à déchiffrer. 13On peut remarquer, d'après ce schéma, que Teresa cumule les trois spécialisations oniriques familiales auxquelles elle va, plus tard, ajouter la compétence interprétative de sa mère, s'appropriant le pouvoir de médiation avec les saints propre aux hommes de sa famille et christianisant, de ce fait, les compromettants contacts avec la mort7. De plus, comme on l'a déjà vu, elle va s'emparer des rêves des autres membres familiaux, en les racontant, ce qui fait preuve de son autorité à l'intérieur du groupe et lui donne le pouvoir de manipuler ces récits de famille. La catégorie des interprètes, ceux qui donnent du sens aux symboles oniriques, ne comporte que des femmes. Enfin, du côté des rêvés, on constate une prépondérance masculine, prépondérance qui devient exclusivité pendant la première phase de l'activité onirique de Teresa, lorsqu'elle habitait encore en Sicile et que le rêve fonctionnait dans un réseau familial interactif. Durant toute cette période, les rêvés sont des hommes, morts ou dans un moment de danger extrême. 14En revenant aux rêveurs, pour examiner de plus près la personnalité de chacun d'entre eux, apparaît, en plus du partage sexuel, un partage des rôles interne à la catégorie des rêveurs eux-mêmes, rôles qui semblent définir leur position, morale, sociale ou métaphysique, au sein de la famille, par le truchement du rêve. 15En fait, il faut distinguer, parmi les cinq individus qui rêvent, ceux qui effectivement détiennent le pouvoir onirique familial de ceux qui, tout en ayant une activité nocturne, ne sont pas accrédités en tant que rêveurs. On a déjà mentionné le fait que, dans le discours de Teresa, il n'y a qu'elle et sa tante paternelle Angelina qui répondent aux canons imposés à celle qui rêve ». Quels rapports entretiennent ces deux femmes, seules vraies dépositaires de la compétence onirique dans la famille, et quelle est la nature du pouvoir qu'elles partagent ? Comment, enfin, ce dernier est-il manipulé à travers les rêves ? Les professionnelles » du rêve Angelina et Teresa 16C'est Teresa qui met explicitement en relation son activité de rêveuse avec celle de sa tante Angelina. Elle explique cette relation en termes de ressemblance8 Moi, dans les rêves, je ressemble à la tante Angelina, la sœur de mon père... Celle-là rêvait pire que moi. » 17La ressemblance entre tante et nièce, qui alimente la fonction de rêveuse, signale et instaure, en même temps, un rapport de filiation symbolique au sein du couple tante/nièce. Des événements biographiques ont, sans doute, fait se croiser les destins d'Angelina et de Teresa la première perd son fils unique, victime d'un malheureux accident, la seconde est persuadée d'avoir été défavorisée par sa mère, au profit de sa sœur Gina qui obtient dot et scolarisation. Teresa trouve ainsi une compensation auprès de sa tante paternelle qui lui transmet, dans le mode naturel » de la ressemblance, un savoir-faire valorisé et valorisant au sein du groupe parental, mais aussi un pouvoir, le pouvoir onirique, et un patrimoine, le trésor familial des rêves que Teresa découvre, comme on ouvre un coffret de bijoux de famille, à des moments rituels précis. 18Dire qu'on rêve parce qu'on ressemble à quelqu'un qui rêvait dans la famille pourrait suggérer que rêver est une compétence transmise à la naissance, comme un trait physique quelconque, des parents aux enfants, en excluant de ce fait l'hypothèse qu'elle ait pu faire l'objet d'un apprentissage. En réalité, certains indices montrent que la pratique du rêve est une activité qui s'apprend et qui s'apprend dans des circonstances particulières. 19Le premier rêve de Teresa est, en fait, un échec J'avais trois ans et j'ai rêvé que mon père était mort, que quatre anges descendaient avec une voiture d'or et l'emmenaient au paradis. » 20Le rêve n'est pas un présage, puisque le père de Teresa n'est ni mort ni ne mourra dans un proche avenir. Teresa commence à rêver déjà à trois ans, mais ses premières tentatives échouent. Il faut qu'elle acquière de l'expérience, en rêvant, mais aussi en écoutant les rêves de la tante Angelina En été, on allait passer quinze jours chez la tante Angelina, parce qu'elle habitait à la mer, et alors, pendant ces jours-là, elle racontait des choses [sur les rêves]. Et de temps en temps, ils venaient [elle et son mari] passer quelques jours dans notre ville, alors nous les invitions à déjeuner et elle racontait ses rêves, si elle en avait eu, et moi je les écoutais... » 21Teresa et Angelina n'habitaient pas dans la même ville ; elles ne se fréquentaient donc pas assidûment. Elles se croisaient lors de réunions familiales, à l'occasion des fêtes ou dans les périodes de vacances. Les récits de rêves racontés par la tante Angelina fondent, pour Teresa, l'apprentissage de l'art de rêver. Ces récits prenaient place, de manière privilégiée, pendant les repas de famille. C'est à travers leur écoute que Teresa apprend à rêver, entamant ainsi un long parcours qu'elle n'aura vraiment achevé que dans sa maturité. Pour longtemps encore, c'est sa tante qui va détenir le monopole familial de l'activité onirique et la renommée de voyante. C'est elle qui, à travers son activité nocturne, est en contact avec les morts familiaux ; c'est à elle qu'on a recours, comme à une cartomancienne, pour avoir une connaissance autre » que celle qui est permise à tout mortel, une connaissance qui franchit les limites de la perception sensorielle, de l'hic et nunc, et qui devient une intuition sur l'ailleurs dans le présent, sur l'au-delà ou sur le passé obscur Quand mon frère Niluzzo a été porté disparu, la tante Angelina disait "Il est au paradis." Mais tout le monde croyait que les autres soldats et lui étaient encore vivants. Alors, la mère d'un autre officier a écrit une lettre à une cartomancienne et la cartomancienne lui a répondu "Ne vous inquiétez pas, ils sont vivants." La tante Salvatrice, un mois après l'annonce de la mort de Niluzzo, a allumé la lampe pour son âme, cette lampe avec l'eau et deux doigts d'huile qu'on allumait pour les morts. Mais l'huile descendait en bas et ne voulait pas s'allumer. Alors, la même nuit, la tante Angelina rêve une voix qui dit "Qu'est-ce qu'elle fait, Salvatrice ? Pourquoi elle allume la lampe ? Niluzzo est vivant, vivant, vivant !" La tante Salvatrice avait allumé la lampe pour l'âme de Niluzzo, parce qu'on croyait qu'il était mort, mais comme lui, à ce moment-là, il était vivant, alors, tu comprends ? L'huile descendait en bas et ne s'allumait pas. » 22A travers un rêve, Angelina obtient une information comparable à celle obtenue par la cartomancienne à travers le tirage des cartes. Ce parallélisme est inquiétant, parce qu'il met Angelina en relation avec la figure ambiguë de la magicienne et risque de jeter une ombre sur son pouvoir onirique. Le caractère de tante Angelina, définie comme orgueilleuse par sa nièce elle-même, ne fait qu'aggraver son profil. Mais il faut pénétrer au centre de l'activité onirique d'Angelina et de Teresa, examiner une expérience fondamentale pour toutes les deux, celle du voyage onirique dans l'au-delà, pour prendre toute la mesure de l'ambiguïté prêtée au personnage. C'est au moment où elle doit prendre le relais d'Angelina et légitimer sa position de rêveuse à l'intérieur de la famille que Teresa noircit l'image de celle qui, désormais, fait figure de rivale, comme pour l'effacer, l'exclure, en la diabolisant. Mais le passage ne peut se faire qu'à travers l'exercice du pouvoir onirique lui-même ; il est établi par ces deux rêves ou par ce rêve unique qui, d'être partagé entre deux personnes, sert en même temps à les distinguer En 1939, pendant la guerre d'Espagne, mon frère est mort dans une reconnaissance aérienne. Tout le monde disait que ceux qui mouraient de mort violente allaient au paradis. Moi, je sentais que ce frère était au paradis. Alors, une nuit, j'ai rêvé que je cherchais le paradis, je me suis retrouvée en pleine campagne. [...] J'ai rencontré un magnifique jardin à droite, il y avait des fleurs, à gauche il y avait des fruits. Il y avait des raisins, chaque grappe était grande comme un enfant de six ans ; il y avait des fleurs que je n'avais jamais vues de ma vie. Et puis, il y avait une grille et un gardien en livrée. J'ai demandé "Mais qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que ce sont toutes ces fleurs que je vois pour la première fois ?" Et le gardien m'a répondu "C'est le paradis, ma fille ! Mais pourquoi tu es venue ici ? – Moi, je cherche ma sœur qui est morte et mon frère. Comme ma sœur avait un caractère d'ange et que mon frère est mort par malheur, moi je suis sûre que je les trouve au paradis." Alors, ce gardien m'a indiqué, il a dit "Le premier porche entièrement d'or que tu rencontres, frappe et, là-dedans, il y a le paradis." [...] Il y avait un coffre avec des coussins tout brodés, des choses magnifiques. Je me suis assise sur le coffre. [...] De la porte est sortie une femme d'une rare beauté qui m'a semblé être la Vierge, parce qu'elle était habillée en blanc avec une écharpe azur. Alors, elle a dit "Que veux-tu, ma fille ?" J'ai dit "Moi, je cherche ma sœur. – Comment s'appelle-t-elle ? – Salvatrice Nifosí. – Attends, je vais l'appeler." [...] Et vraiment ma sœur est entrée. [...] Alors, j'ai dit "Oh, Salvatrice, que tu es belle, que tu es heureuse ici ! Que c'est beau ! Que de fruits ! Que de fleurs ! Tu as de la chance d'être ici !" et nous nous sommes embrassées. Alors ma sœur m'a dit "Teresa, si tu veux venir ici, moi je te fais venir." Alors moi, dans le rêve, je me suis souvenue du fait qu'elle était morte, et j'ai dit "Non, non, je ne veux pas venir ! – D'accord, tu n'as pas besoin de te troubler !" J'ai dit "Maintenant que je t'ai vue, je veux voir où est notre frère Filippo." Alors, elle a dit "Sors du porche et marche un peu, il travaille dans une boulangerie." [...] Dès que j'ai vu mon frère, qui souriait comme toujours, j'ai dit "Niluzzo, comment vas-tu ? Comment ça se fait que Salvatrice est au paradis, qu'elle ne fait rien et que tu dois travailler ici ?" Il a répondu "C'est moi qui ai choisi de travailler." Alors, moi, j'ai dit "Mais, tu ne te rappelles pas comment ça s'est passé, comment c'était, ta mort ?" On dit qu'on ne peut pas poser des questions pareilles aux morts. Lui, dès qu'il a entendu cela, il s'est troublé, le sourire a disparu de son visage, il a dit "Je suis pressé, ciao, je dois aller distribuer le pain" et il est parti. [...] Maintenant, écoute le rêve de la tante Angelina. La tante Angelina rêve qu'elle était dans une grande campagne, alors elle dit "Moi, je vais chercher mon fils", parce que son fils était mort écrasé. [Quelqu'un] lui dit "Mais où vous voulez le chercher, votre fils ?" Elle dit "Moi, je devrais le chercher au paradis, puisque mon fils est mort écrasé." L'autre dit "De toute façon, avant d'arriver au paradis, vous devez traverser les limbes, l'enfer et le purgatoire. Le paradis est le plus éloigné." Elle trouve d'abord une pièce avec tous les enfants nus ceux qui n'avaient pas été baptisés. [...] Elle va ensuite au purgatoire et elle voit beaucoup d'amis, beaucoup de parents et son mari. Elle dit "Pourquoi mon mari est-il au purgatoire ? Il n'aurait pas pu aller au paradis ? – Non, parce que lui, il ne voulait pas mourir." Enfin, elle gagne l'enfer. Comme elle entre, elle voit quatre chevaux qui tiraient des coups de pied et qui disaient "Putain ! Porc !" Elle demande "Mais qui sont-ils ? – Ce sont les âmes damnées de ceux qui ont fait les prostituées, les voleurs." Puis, elle va dans une autre pièce. Sur une table de nuit, il y a une chatte qui dit, elle aussi, des gros mots. Angelina demande "Et qui est celle-là ? – C'est ta voisine, celle qui habitait en face de toi, donna Rosalia." [...] Elle va dans une autre pièce, encore, et elle rencontre d'autres damnés. Ils étaient plus calmes, ceux-ci, mais ils travaillaient et ils transpiraient beaucoup, les pauvres "Et vous ? – Nous devons rester deux ans ici, et ensuite nous irons au paradis." Alors elle dit "Maintenant, je veux voir mon fils Benedetto. – Mais lui, il n'est certainement pas ici, puisqu'il est mort par malheur, reviens donc au purgatoire, c'est là que tu vas le trouver." Elle revient dans une autre pièce. [...] Comme son fils arrive, elle lui dit "Mon fils, mon fils, depuis que le malheur est arrivé, moi, je n'ai plus de paix !" » 23Le rêve de Teresa est, en quelque sorte, une répétition du rêve d'Angelina, qui le précède chronologiquement et logiquement. Mais si, dans un premier temps, elle semble encore reconnaître son infériorité par rapport à sa tante, lorsqu'elle affirme La sœur de mon père rêvait pire que moi. Celle-là alors, elle a rêvé l'enfer, le purgatoire, les limbes, où il y a les enfants qui n'ont pas été baptisés et le paradis », il y a, cependant, un écart significatif entre les deux expériences oniriques Angelina, en vérité, n'a pas rêvé le paradis, et Teresa se corrige aussitôt Non, non, elle n'a pas été au paradis, seulement dans les limbes, en enfer et au purgatoire. » 24A travers le désir d'aller chercher au paradis un parent, frère ou fils, mort par malheur, se révèle la fonction propre à la rêveuse de guider ses proches défunts dans l'au-delà, à la fois pour en achever le deuil et pour accomplir un travail qui est nécessaire au parcours métaphysique de l'âme du parent défunt, puisque, on le sait, ceux qui périssent par accident ou par mort violente, contrairement à ce qu'affirme ici Teresa, sont des morts en peine qu'il faut aider à progresser9. Les deux scènes oniriques s'ouvrent sur le même paysage, une campagne, espace virtuel qui ne se définit que par l'absence des caractères propres à l'espace humain non habité, non cultivé et où l'expérience du divin est possible. Mais Teresa débouche dans le jardin paradisiaque. Angelina, elle, se trouve aux portes des lieux de peine qu'elle doit traverser dans l'ordre prescrit, accomplissant avant l'heure le parcours de purification qui est réservé aux âmes damnées. Le périple des deux voyageuses est semé d'obstacles et de dangers danger mortel pour Teresa, qui risque d'être séduite par les merveilles fatales du paradis que lui fait miroiter sa sœur, dédale de pièces pour la nièce et la tante dans un au-delà labyrinthique et angoissant. C'est à son terme que Teresa rencontre son frère au paradis, mais qu'Angelina trouve d'abord son mari, puis son fils au purgatoire. C'est qu'Angelina non seulement ne peut atteindre le paradis, malgré la purification à laquelle elle s'est soumise, mais elle ne peut pas conduire ses morts au ciel. Ici se situe la différence entre les deux rêveuses Teresa réussit là où Angelina échoue. Elle dépasse sa tante, dont le pouvoir onirique semble s'être usé et, par là même, elle lui succède. 25Le rêve du voyage dans l'au-delà non seulement est le lieu où s'opère la succession de la nièce à la tante en sa qualité de rêveuse, mais aussi l'espace où Teresa fait l'apprentissage de ses capacités oniriques, rêve initiatique où elle explore les limites du licite et de l'illicite, ainsi qu'elle découvre les modalités de la communication avec les morts. Si elle a l'opportunité de visiter le ciel, elle en est, enfin, chassée pour avoir demandé au frère Niluzzo les circonstances de sa mort. Niluzzo parle à sa sœur mais il lui parle en symboles le pain, le travail volontaire, les pauvres habits qu'il porte, le décalage de sa position par rapport à celle occupée par Salvatrice, qui vit dans l'oisiveté à côté de la Vierge... autant de symboles à interpréter, à lire. Cette lecture des signes, comme la faculté de rêver, s'apprend. Teresa, ainsi que le montre son rêve, a désormais acquis le pouvoir onirique de sa tante, mais ses propos trahissent qu'elle n'a pas encore accédé au savoir interprétatif de sa mère. 26L'épisode onirique du voyage dans l'au-delà est à mettre en relation avec un autre songe d'Angelina, lui aussi doublé par un songe de Teresa. Cette fois, c'est Angelina qui rêve son frère Giambattista, suivie par Teresa, qui rêve le fils de ce dernier, Biagio Quand le frère de mon père, l'oncle Giambattista, est mort, sa femme ne l'aimait pas, donc, tu comprends ? Il est mort et elle ne récitait pas le rosaire pour l'âme de son mari, elle n'allumait pas la lampe... Alors, une fois, ma tante, sa sœur, l'a rêvé. Il dit "Angelina ! – Giambattista ! Qu'est-ce qu'il y a ? – Comment qu'est-ce qu'il y a ? Je suis le porc, moi ? – Et pourquoi le porc ? – Si personne ne me dit le rosaire, personne n'allume la lampe pour moi... comment je peux atteindre le paradis ?"... C'était un rêve de la tante Angelina. Une nuit, moi, j'ai rêvé le fils de l'oncle Giambattista, cousin au premier degré, qui était mort. Alors "Oh Biagio, comment vas-tu ? – Tu penses à tout le monde, mais pour moi, il n'y a rien. – Mais pourquoi tu dis ça ? – Parce que tu dis le rosaire pour tout le monde, même pour les parents les plus éloignés, mais pour moi, il n'y a jamais rien !" » 27A travers ces deux derniers rêves, Teresa s'installe dans la position de rêveuse occupée par Angelina, position qui est unique dans le groupe parental et qui implique non pas un partage, mais une succession des rôles. La succession s'accomplit à deux niveaux dans l'au-delà, où Teresa monte jusqu'au paradis et dépasse ainsi la tante qui n'a pas réussi jusqu'au bout le voyage, et dans la famille, où Teresa descend d'un cran pour s'installer dans sa propre génération et pour y occuper le rôle joué par Angelina dans la génération précédente. 28Mis à part les rêveuses qu'on a définies comme professionnelles » à cause de leur spécialisation dans l'activité onirique, activité qui les accompagne tout au long de leur existence, il y a une autre catégorie de rêveurs, qu'on appellera occasionnels » pour le caractère extraordinaire de leurs prestations qui constituent un événement unique au cours de leur vie. Cette nouvelle catégorie va nous permettre d'explorer les relations possibles entre rêve et vision, dans le cas particulier des songes de saints, et les points de démarcation entre l'activité onirique masculine et féminine. Les rêveurs occasionnels Salvatore, Biagio et Nunziata 29Dans la famille de Teresa, les trois autres personnages impliqués, en position d'acteurs, par l'activité onirique sont Salvatore, son père, Biagio, son grand-père maternel, et Nunziata, une cousine10 ». 30Deux hommes font partie de cet ensemble Salvatore et Biagio, mais leurs rêves sont d'une nature différente de celle des songes féminins. Ils se croisent, toujours, avec une intervention féminine et ils sont la manifestation d'un message d'origine divine. 31En analysant la construction du récit que Teresa fait du seul rêve rêvé par Salvatore, on a l'impression qu'il n'est que la révélation du miracle accordé par Santa Rita à ma grand-mère, à la suite de sa neuvaine Le rêve de mon père fut ainsi comme moi j'avais fait la neuvaine quand mon frère Gino, qui était partisan, était recherché par les Allemands et, enceinte de ta mère, je m'agenouillais et je disais "Santa Rita, tu dois me faire le miracle, tu dois le sauver !" Santa Rita l'a sauvé... Dans la même nuit, mon père a rêvé Santa Rita... Puisque ma mère lui disait "Si tu ne communies pas, notre fils va mourir !" alors mon père a dit "S'il ne lui arrive rien, vraiment, je vais communier !" Ma mère avait offert du pain aux pauvres de Saint-Antoine. Elle disait "Si je reçois une lettre avant le 13 juin, je vais offrir trois kilos de pain à l'église pour les pauvres." Et vraiment, le 12 juin, la lettre est arrivée. La nuit, mon père a rêvé quatre chevaux blancs et Santa Rita qui les fouettait. Mon père dit "Santa Rita, où vous allez, si pressée ?" Elle répond "Je vais sauver ton fils, regarde le feu qu'il y a là-bas, je vais sauver ton fils !" » 32Le songe masculin, songe où les saints se manifestent, est mis en relation avec la foi du rêveur ou du rêvé, foi qui peut faire défaut, comme dans le cas de Salvatore, homme athée que le rêve convertit, ou qui peut, au contraire, être exceptionnelle, comme dans le cas de Biagio, homme pieux, dont le rêve est l'effet de sa communion avec les saints et s'accompagne d'autres manifestations du divin, comme les visions Mon grand-père rêve qu'il était dans une église. Comme cet oncle [Luciano, père de la "cousine" Nunziata] était dévot de saint Blaise San Biagio, il [Biagio] vit saint François qui prêchait dans une chaire et saint Blaise qui prêchait en face, dans une autre chaire. Tous les deux criaient et se disputaient. Saint François disait "C'est inutile, il doit mourir !" Saint Blaise disait "Mais non, laissons-le tranquille, il est père de quatre enfants dont deux sont encore tout petits !" Alors mon grand-père dit "Et Quoi ? Même les saints se disputent ?" et saint Blaise dit "C'est parce que saint François veut, à tout prix, que ton cousin Luciano meure", et saint François "Il n'y a plus rien à faire, regarde le Livre il a été effacé du Livre de vie, donc, désormais, il doit mourir." Et le rêve s'est réalisé. Saint François a gagné. » 33Luciano est dévot de saint Blaise, qui apparaît en songe à l'oncle homonyme du saint, à l'épilogue de la maladie du neveu, dans un moment de transition entre la vie et la mort. L'importance de l'homonymie dans les relations entre les saints et leurs protégés est confirmée par cet épisode11, ainsi que la vocation du rêve à tisser des liens entre des individus qui appartiennent à la fratrie ou au cousinage. Le cas de Biagio et de Luciano ne fait pas exception à cette règle, mais il la renforce parce que le neveu du rêveur est, étrangement et en même temps logiquement, appelé cousin » au cours de la narration onirique. 34Le verbe que Teresa utilise pour décrire la nature de l'activité onirique de son grand-père, il vit », rapproche le songe d'une vision. Et, en effet, Biagio rencontre le divin tantôt dans le rêve, tantôt dans la vision des saints, décrite à son tour dans des termes assez proches de ceux qui sont propres à définir l'expérience onirique Ce même grand-père qui a rêvé avait eu la vision de la Vierge. La vision c'était que lui, il se levait toujours tôt et il se promenait dans la vigne, là où il y avait les sarments de raisins. Pendant qu'il se promenait, il vit une femme grande, belle, vêtue d'une robe noire. Il la prit, alors, pour une riche dame. Mon grand-père allait vers elle, et elle venait vers mon grand-père. Lorsqu'ils furent à la distance d'un mètre l'un de l'autre, la femme disparut. C'était la Vierge, sans aucun doute, ou alors une vision. Mais lui, il dit l'avoir vue en chair et en os. » 35L'apparition de la Vierge a lieu dans un temps de transition entre la nuit et le jour tôt le matin. La vigne encadre la vision dans un paysage qui est à la fois naturel et sacré, grâce aux propriétés symboliques des raisins qui nous rappellent, d'ailleurs, le jardin paradisiaque visité en rêve par Teresa. La Vierge, richement vêtue, qui nous remémore les richesses du paradis rêvé, est confondue avec une dame riche et rencontrée en chair et en os ». L'ambiguïté de la vision en tant qu'expérience purement visuelle, comme le suggère son nom, ou plutôt en tant que manifestation réelle et même charnelle du divin, est aussi un trait caractéristique de l'expérience onirique, où les morts sont pourvus d'un corps qui est habillé, qu'on peut toucher, et même embrasser rappelons-nous, par exemple, l'étreinte mortelle entre Salvatrice et Teresa. Mais la vision est la rencontre de l'ineffable, image muette qui disparaît lorsqu'on s'en approche, tandis que le rêve est le vecteur d'un véritable dialogue entre les hommes et les saints, les vivants et les morts. Le rêve se propose, donc, comme le mode privilégié de communication avec les êtres surnaturels. 36Ce rêve masculin est à lire dans son enchevêtrement avec un rêve féminin, celui de Nunziata, à la fois pour respecter et donner du sens à l'ordre dans lequel ces deux songes sont racontés, et pour mettre en évidence la spécificité de l'activité onirique féminine Luciano agonisait. La même nuit, sa fille aînée rêve la Vierge qui lui donnait deux bouquets de fleurs en lui disant "L'un, c'est pour toi, l'autre, tu dois le porter à la fille de Cipolla." Le lendemain, à la même heure, meurent le père et Cipolla. Les fleurs, tu vois ? Les fleurs et les gâteaux sont mauvais. » 37De nature différente est le rêve de Nunziata où, malgré la présence du divin personnifié par la Vierge, toute l'attention est aussitôt déplacée de la sainte au symbole le double bouquet de fleurs porté par la mère de Jésus et interprété comme un double présage de mort. Le songe féminin, à la différence du songe masculin, n'est pas un message manifeste provenant du ciel, mais un symbole obscur, à décoder, dont les saints ne sont que les porteurs ou, à la limite, les garants. Les deux textes oniriques nous présentent deux formes d'écriture celle qui est contenue dans le Livre de vie, écriture explicite et inéluctable d'un destin humain déjà accompli, auquel même les saints ne peuvent s'opposer, et celle qui est recelée dans le signe fleurs », écriture à expliciter à travers l'interprétation du symbole fleur = mauvais, à travers la lecture d'un signe que seules les femmes sont capables d'accueillir et de lire, d'un destin qui, peut-être, s'accomplit par le seul fait d'être dit. Si on applique le partage sexuel à l'intérieur de la catégorie des rêveurs, on découvre que les femmes jouent un rôle actif, donnant du sens au langage énigmatique des rêves, tandis que les hommes jouent un rôle passif, puisqu'ils ne sont que les porteurs d'un message d'origine divine. Cette passivité rapproche les rêveurs de sexe masculin des rêvés, eux aussi de sexe masculin. Si on admet dans une perspective de type magique que la lecture du présage crée les conditions, facilite ou même provoque la réalisation de l'événement présagé, on peut dire que les femmes, auxquelles appartient l'interprétation des rêves concernant les hommes, sont les faiseuses » du destin masculin, qui est fait, en même temps qu'il est lu, en décodant les symboles oniriques. 38Dans le rêve de Nunziata, Teresa nous offre un exemple de modalité interprétative, en faisant correspondre au symbole fleurs » un présage de mort. D'où vient donc ce savoir interprétatif qu'elle a cumulé avec le pouvoir onirique ? L'interprétation et l'interprète Concetta 39Les songes de Nunziata et de Biagio, outre qu'ils nous permettent de comparer le rêve masculin avec le rêve féminin, nous offrent deux exemples d'interprétation. Le jour après que Biagio a rêvé, dès qu'il se lève, le matin, il raconte [son rêve] à la mère. Il dit "Quel mauvais rêve j'ai fait, comme si Luciano allait mourir." Elle dit "Mais, mon fils, tu crois aux rêves ?" et, au contraire, vers 11 heures, le télégramme arrive "Venez tous, puisque Luciano est mort." » 40Le rêve est, dès le lendemain de son apparition, raconté à un parent en ligne ascendante, qui a l'autorité pour l'interpréter. La mère de Biagio se révèle une mauvaise interprète, ou peut-être ne donne-t-elle pas de poids à l'activité onirique du fils, justement à cause du fait que son songe ne recèle pas de symboles obscurs mais donne à voir une vérité transparente et qu'on se méfie de ce genre de productions nocturnes. L'attitude de la mère de Biagio est, en cela, analogue à celle de la grand-mère de Teresa, lorsque sa petite-fille lui raconte le rêve dans lequel elle a assisté à la scène de la mort du père. Telle était, alors, la réaction de la grand-mère, à laquelle Teresa raconte, en sanglots, son rêve Ne t'inquiète pas, ce n'est qu'un rêve. » Ce n'est qu'un rêve signifie dans ce cas que ce n'est pas un présage de mort, puisque les présages de mort sont toujours des images dont le sens est voilé et non des scènes manifestes. Et, pourtant, le songe de Biagio, à la différence de celui de Teresa, s'est réalisé, malgré deux conditions négatives son langage clair et une interprétation fautive. Or, c'est le songe de Nunziata qui vient inverser ces conditions, car il est constitué par un symbole obscur, les fleurs, qui reçoit une bonne interprétation les fleurs sont mauvaises. Il en découle que les rêves masculins, autant celui de Salvatore que celui de Biagio, nécessitent une intervention féminine pour se produire ou pour être efficaces et véridiques. 41Après son premier échec, Teresa commence à apprendre à symboliser à produire des rêves dont le langage n'est pas manifeste mais symbolique. C'est alors que le scepticisme de sa grand-mère fait place à la foi de sa mère Ma mère avait foi en mes rêves. Dès que je me levais le matin, elle demandait "De quoi as-tu rêvé cette nuit ?" Et si moi, par exemple, je rêvais qu'on dressait la table, il y avait un repas ; ou bien, si je rêvais des enterrements, il y avait un mariage, oui, au contraire, un mariage ; un messager arrivait et il disait "Vous savez, celui-là ? Eh bien, il est tombé amoureux de votre fille." Si je rêvais un repas, alors c'étaient aussi des bonnes choses. Si je rêvais des gâteaux, c'étaient des maladies. Des fleurs, c'était aussi mauvais. Quand on rêve le caca, ça c'est bien, l'eau claire, elle aussi, elle est bonne, les poissons et les légumes verts c'est beau, mais si tu rêves de l'eau boueuse, c'est laid. Les gâteaux, des maladies. La viande crue, le charbon et le blé, c'est le pire qu'on puisse rêver. Nous, nous l'avons expérimenté. » 42C'est au petit déjeuner, premier moment de socialisation après l'isolement nocturne, que Teresa est invitée par sa mère à parler de ses songes. C'est à ce moment que le rêve sort, lui aussi, de la sphère privée pour être socialisé », pour devenir un bien disponible pour le groupe et pour, à son tour, socialiser », en suscitant ou en développant des relations entre les individus, pouvoir que nous lui avons déjà reconnu maintes fois. Le premier lien ainsi créé est celui qui s'instaure entre la rêveuse, Teresa, et son interprète, sa mère Concetta, qui construit des présages à partir des symboles rêvés. Ces présages ne concernent pas n'importe quel avenir. Les symboles oniriques sont divisés en bons » ceux qui annoncent un mariage et en mauvais » ceux qui annoncent une maladie ou une mort. L'ensemble de ces signifiants et de leurs signifiés constitue une véritable clef des songes. Cette clef semble universelle mais, dans la pratique, il faut expérimenter personnellement la validité des signes. L'activité onirique, suivie par la lecture du présage, est couronnée par la réalisation de l'événement présagé Une nuit, je rêve une maison pleine de froment. Le froment est gémissement [il frumento é lamento]. Alors, moi, je touchais avec mes mains le froment, les grains étaient gros, je disais "Qu'il est gros et qu'il est beau, ce froment", et je le mettais dans mes mains, mais ce n'était pas chez nous. Chaque matin, je me levais et ma mère demandait toujours "De quoi as-tu rêvé ?" Moi, j'ai raconté mon rêve et, alors, ma mère a dit "Quel mauvais rêve, celui-ci le froment est gémissement. Mais ne t'inquiète pas ce sera un malheur dans la famille, mais pas chez nous." Parce que moi, j'avais touché le froment, mais ce n'était pas chez nous. Et vraiment, vers 11 heures, la sœur de ma grand-mère, Dieu l'ait en garde, est arrivée avec le télégramme, disant que mon premier cousin était mort. Donc, le gémissement en famille s'est réalisé. » 43Le décodage du rêve se révèle plus complexe que la simple lecture presque automatique du signe qui est contextualisé », mis en relation avec d'autres éléments signifiants froment + touché + pas chez nous = mort + en famille + pas chez nous. Le fait que le présage se réalise constitue la preuve de la validité du symbole froment = mort à l'intérieur de l'ensemble des symboles qui constituent la clef des songes. Ce signe peut, désormais, être considéré comme un signe efficace et prendre place dans une sorte de clef des songes familiale qui se construit à partir de l'expérience de chaque membre du groupe il sera mis à côté, par exemple, du signe fleurs = mauvais rêvé par Nunziata. 44Il y a bien, dans la famille de Teresa, une bipartition des rôles entre la fille qui rêve et raconte ses rêves et la mère qui les interprète. Mais, en écoutant l'interprétation maternelle, Teresa a appris à son tour l'art d'interpréter, art qu'elle pratique aujourd'hui, depuis que sa mère est morte. Ainsi, toujours par le truchement du rêve, Teresa rétablit un rapport, celui avec sa mère, qui risquait d'être à jamais compromis. Elle le renoue, d'abord, dans la complémentarité de leurs fonctions oniriques, complémentarité qui ne peut qu'instaurer une collaboration et une complicité ; ensuite, dans l'héritage du capital interprétatif maternel, capital familial qui compense, en quelque sorte, l'exclusion de la dot et qui s'ajoute aux compétences transmises par la tante paternelle enfin, dans un renversement de position par rapport à la sœur aînée, la bienheureuse préférée de la mère en vie, sa malchanceuse élue dans la mort. Les derniers rêves de Teresa témoignent de ce renversement [...] Je rêve que ma mère était morte. Nous étions dans la salle à manger et il y avait un veau cru. Alors, ma mère dit "Coupe-le en morceaux, nous ne pouvons pas le conserver ainsi." Alors, moi, je dis "Comment je fais ? Mon couteau est petit, il faudrait un gros couteau. – Coupe-le en morceaux, je te dis !" Alors, j'ai coupé quelques tranches et, ensuite, j'ai dit à ma mère "Est-ce que je peux porter un peu de viande chez moi ?" Il y avait aussi ma sœur, qui n'était pas encore morte. Alors, elle, ma mère, dit "Non, non, laisse-la ici, que nous en avons besoin et puis, je dois la donner à ta sœur, c'est ta sœur qui doit la porter chez elle." Et moi, j'ai dit "Et oui, comme toujours, tout à ma sœur" et, dans le rêve, je m'en suis allée un peu indignée. Mais heureusement que je ne l'ai pas portée chez moi, parce que la viande crue, c'est la mort et, en fait, après ce rêve, ma sœur est morte. Quand j'ai fait ce rêve, elle devait être déjà gravement malade. Ensuite, une nuit, j'ai rêvé ma mère et ma sœur, que déjà ma sœur était morte, toutes les deux habillées en noir, qui sortaient d'une maison et qui marchaient ensemble. Moi aussi, j'étais là et j'ai dit "Mais où vous allez ? Je peux venir avec vous ? – Non, non, toi, reste où tu es" et elles marchaient la main dans la main, que peut-être, dans cette vie, les morts se rencontrent. Qui sait comment ça se fait ? » 45Le thème de l'amour comme passion dangereuse, surtout lorsqu'elle implique des êtres qui appartiennent à deux mondes qui doivent rester séparés, tout en étant mis en relation par le rêve, apparaît ici dans tout son tragique et toute sa gravité. Pour Teresa, le rêve est le lieu de la communication mais aussi de la juste distance avec les défunts de sa famille, qu'il s'agisse de la bien-aimée Salvatrice, qu'elle repousse, ou de sa mère Concetta, par laquelle elle est repoussée. 46Lorsque sa mère était encore en vie, ce n'était pas seulement Teresa qui lui racontait ses rêves pour qu'elle les interprète, les rêves des autres membres familiaux étaient, eux aussi, attirés à l'intérieur de ce couple qui les re-racontait, les interprétait, les commentait et les faisait ensuite circuler. Dans nulle autre branche de la famille, on ne trouve une si heureuse conjonction entre une rêveuse-conteuse et une interprète, ce qui a fait de l'ensemble Teresa-Concetta le véritable centre de l'activité onirique familiale. 47Dans cette dernière phase de son existence, le rêve atteint l'acmé de sa puissance, puisqu'il permet, à travers les commentaires sur la mort qu'il occasionne, non seulement la prévision, au fond inopérante, d'un avenir qu'on peut lire sans pour autant pouvoir le changer, mais aussi la construction d'un discours qui est opérant cette fois dans la dimension temporelle du passé. L'interprétation du passé 48Un autre procédé de nature interprétative se greffe sur la lecture des signes présents dans les songes. Le point de départ est, ici encore, le symbole qui est offert par le rêve, mais il sert, cette fois-ci, à produire un discours tourné vers le passé. Parce qu'elle est plus puissante encore que l'interprétation, qui visait à connaître par la lecture du symbole un avenir inéluctable et déjà accompli, l'investigation rétrospective semble être le lieu des tabous les plus forts, puisque, paradoxalement, le passé n'est jamais vraiment accompli, il faut encore l'expliquer, le comprendre, le reconstruire, le refaire, à travers une prise de parole dense de tous les dangers que cette opération comporte, et qui est rendue possible justement parce que cette parole vient de l'au-delà, et qu'elle n'implique donc pas de responsabilités personnelles trop lourdes à assumer. 49Ce qui était interdit dans le rêve du voyage de Teresa dans l'au-delà, rêve qui lui a permis de visiter le paradis, de rencontrer ses parents défunts et de connaître leur destin métaphysique, c'était justement la connaissance du destin de l'homme sur la terre. Cette spéculation devient possible dans le discours qui suit immédiatement le récit du rêve Oui, on dit qu'on ne peut pas poser des questions pareilles aux morts... Il était obligé de tuer, obéir, torpiller et il a, peut-être, tellement baissé avec son avion que soit il a été fait prisonnier par Staline, condamné aux travaux forcés, puis tué par Staline, soit il est tombé à pic dans la mer. Il faisait le pain parce qu'il s'était repenti de ce travail qu'il devait faire, de torpiller... » 50Le langage symbolique et figuré dans lequel le mort parle est une clef qui permet d'ouvrir, en dehors du rêve, dans le temps de l'interprétation, une porte sur le passé fermé à la connaissance commune. Le discours qu'il déclenche interroge les causes d'une mort prématurée, dont il cherche à trouver le coupable. Dans le cas de Niluzzo, c'est un personnage tellement lointain qu'il devient abstrait Staline. Mais l'attribution de la faute peut être bien plus dramatique, comme lorsque Benedetto accuse en rêve sa mère, Angelina, d'avoir provoqué sa mort [...] Mais son fils lui a fait un reproche "Si tu ne t'étais pas remariée avec ton deuxième mari, peut-être que ce malheur ne me serait pas arrivé." Parce que lui, il ne voulait pas qu'elle se marie une deuxième fois. Mais elle, elle était trop orgueilleuse et, lorsque son premier mari est mort, elle ne voulait pas vivre de l'aumône de ses deux frères. Alors, elle a dit "Enfin, je vais me remarier." Mais son deuxième mari avait deux filles et sa mère, qui avait été la bonne de ma grand-mère, voulait se venger et elle poussait son fils à chasser Benedetto, en lui disant "Celui-ci est un étranger, tu vas voir que lorsqu'il grandit il va séduire tes filles..." Et elle a tellement insisté qu'un jour tante Angelina a dit à mon père "Il n'y a rien à faire, mon mari ne veut pas de Benedetto, tu ne pourrais pas le prendre avec toi ?" Mais mon père ne le voulait pas, la belle-sœur ne le voulait pas non plus, personne ne le voulait et ce garçon passait un mois chez son grand-père, un mois chez sa tante, un mois par-ci, un moi par-là. Un jour il n'avait pas envie d'étudier, cet enfant, parce qu'il avait perdu l'affection de sa mère, il a décidé de faire l'école buissonnière avec deux autres camarades. Comme le soleil était fort, ils sont entrés dans une grotte. Après une demi-heure, la grotte s'est écroulée et elle les a écrasés tous les trois. » 51Angelina est coupable d'avoir privilégié les liens de l'alliance au détriment de ceux de la filiation. Elle a choisi de se remarier, provoquant ainsi la mort de son fils Benedetto. Alors que, à travers le rêve, elle avait joué le rôle de la bonne mère » par rapport à sa nièce Teresa, toujours par le rêve elle se révèle être une mauvaise mère », presque une marâtre pour son fils Benedetto, puisqu'elle préfère la sensualité de l'amour charnel à la tendresse de l'amour filial et refuse le soutien de ses frères pour se remarier. Ce rôle de bonne mère devrait être joué par la marraine12, mais Angelina n'est pas la marraine de Teresa, elle est la sœur de son père et l'importance de ce lien entre frère et sœur ne cesse d'être affirmée par les rêves. 52Dans le rêve de Giambattista13 », un amour conjugal insuffisant risquait de figer ce dernier au purgatoire, c'est pourquoi il s'adressait à sa sœur Angelina, pour qu'elle puisse l'aider à gagner le paradis. La relation entre frère et sœur vient combler les défaillances de la relation entre mari et femme, qui se caractérise par un déséquilibre fondamental dans l'alliance, il y a trop ou pas assez d'amour. Dans le même rêve où Angelina visite son fils Benedetto, elle rencontre son mari qui ne peut pas atteindre le paradis puisque, lui explique-t-on, de son vivant il était affecté par une passion amoureuse excessive, caractérisée comme honteuse » Lui, il était jaloux et, sur le point de mourir, il disait à sa femme "Tu dois mourir avec moi. Toi, je ne te quitte pas." Il ne pouvait pas se passer d'elle et ils se tenaient tout le temps par la main, c'était une chose à faire honte ! » Si, donc, l'amour entre sœur et frère sauve, celui entre époux risque de damner. 53Mais, si l'on reprend le premier des deux songes, on peut dire que, dans la dimension onirique, dimension utopique, semble se réaliser l'union impossible entre frère et sœur. Dans le monde des rêves, monde à l'envers, on renverse la règle sociale de l'alliance, pour former de nouveaux couples à la limite de l'inceste, étant donné que la sœur, par rapport au frère, vient occuper la place de l'épouse. Si l'on pense ce songe en relation avec celui du voyage dans l'au-delà, on voit comment l'activité onirique permet encore une fois à Angelina d'expier la faute commise envers son fils, en réparant les failles présentes dans son lignage, parce que si à la suite des deuxièmes noces d'Angelina, récidiviste dans l'alliance, Benedetto avait perdu sa place au sein de son groupe familial et, par conséquent, dans ce monde, le frère Giambattista peut, grâce aux prières de la sœur, en trouver une au paradis. A noter que ces failles sont créées par l'intrusion d'étrangers chez soi à travers le mariage et que, toujours à travers le rêve, on reconstitue l'unité idéale de la famille entendue comme communauté de sang et de chair. 54Le troisième songe à prendre en considération, dans cette perspective de la valorisation du lien fraternel, est le rêve de Santa Rita14 ». Ce dernier tresse les destins de trois personnages la sœur, la mère et le père, au moment où un autre membre de la famille, le frère, est au loin et en danger de mort. L'amour fraternel se révèle salvateur ; mais il ne s'agit pas ici du salut métaphysique, comme dans le cas de Giambattista, il s'agit du salut terrestre du frère de Teresa, Gino. Si l'amour conjugal, en introduisant un étranger, élément de discontinuité, dans la famille, inflige une cassure dans le tissu familial, l'amour fraternel soude le groupe parental, non seulement à l'intérieur, grâce au retour du frère de Teresa, qui s'oppose à l'expulsion du fils d'Angelina, mais aussi à l'extérieur, par l'aumône aux pauvres, geste de réconciliation sociale sur un plan horizontal, et enfin au ciel, par la communion, symbole de l'union mystique qui lie la terre avec le ciel. 55L'accusation de Benedetto était la conclusion et le moment culminant du voyage dans l'au-delà d'Angelina. Le message du mort, cette fois on ne peut plus explicite, est une parole à commenter. La parole du mort est un témoignage inattendu qui vient rouvrir une sorte d'enquête judiciaire sur une question que l'on croyait définitivement classée. Une mort qui survient pour des raisons qui ne sont pas de l'ordre du biologique est pensée presque comme un homicide, il faut en trouver le coupable, au moins le responsable. Une mort non naturelle est pensée comme une anomalie dans le fonctionnement social, ou plutôt familial lorsque le groupe de référence est la famille, anomalie dont il faut expliquer les causes, pour répondre à une exigence de rationalisation et de mise en ordre au sein du groupe familial. Le rêve nous incite à chercher les causes sociales, familiales et affectives d'une mort accidentelle, qui n'est jamais vraiment accidentelle. Le hasard, une grotte qui s'écroule, a provoqué la mort de Benedetto, mais Benedetto se trouve dans cette grotte parce que, ayant perdu l'affection maternelle et, par conséquent, l'envie d'étudier, il a fait l'école buissonnière. D'ailleurs à quoi bon étudier, à quoi bon construire un avenir ? La mort paraît être le seul destin possible pour celui qui n'a pas de place dans ce monde, qui, mis au ban de sa famille, est contraint de circuler sans cesse d'un foyer à l'autre. Alors qu'il est repoussé par tous, la mort est son dernier exil, l'exil définitif. 56De même, on peut mourir après ou pour, selon la formule post hoc, ergo propter hoc avoir manqué sa propre insertion dans le monde du travail, comme si la mort biologique n'était qu'un redoublement de la mort sociale J'avais un premier cousin qui, dans un an, aurait dû devenir prêtre. Il avait eu de la fièvre. On croyait que c'était une grippe. Des amis sont passés le chercher pour aller se baigner à la mer, alors il a dit "Si j'ai trente-sept, je vais me baigner." Il avait moins de trente-sept et il est allé se baigner. Dès qu'il est entré dans l'eau, la partie de son corps qui était immergée a noirci... parce que c'était une intoxication à cause du chagrin pour l'injustice que lui avait faite le professeur... Alors, la nuit, moi j'ai rêvé une maison pleine de froment... » 57Les symptômes biologiques sont trompeurs, ambigus, le thermomètre ne peut pas rendre compte et raison d'une intoxication, d'un trouble physique, qui a comme cause un état psychologique, le chagrin, provoqué par un dysfonctionnement social, une injustice. Ceux qui commentent le rêve se livrent à une lecture symptomatique beaucoup plus complexe que celle menée par les médecins. Ces derniers mettent en rapport des phénomènes qui appartiennent au même ordre de réalité le physiologique. Les commentateurs des rêves recherchent les liens profonds qui existent entre des faits appartenant à des réalités d'ordre différent, ce qui est le propre de l'activité symbolique le biologique, le psychique, le social, le familial... Le discours produit par le rêve, soumis à ses lois, établit des liens inattendus entre les différents niveaux du réel, crée des chaînes interminables d'événements et d'individus, se dégage comme une spirale du symbole initial pour s'en écarter de plus en plus, sans jamais se détacher du point de départ. 58L'étape qui succède à l'interprétation du symbole onirique est la construction de l'anecdote qui, opportunément glosée, entre dans l'histoire familiale des rêves. Alors que le songe était commenté le matin, lors du petit déjeuner, à l'intérieur de la famille nucléaire, l'ensemble embrouillé des rêves domestiques et de leurs explications est déployé, comme un album de photographies, dans les grands repas qui réunissent le groupe parental élargi14. L'analogie n'est pas accidentelle, car, après s'être remémoré à travers le rêve l'un ou l'autre parent défunt, c'est dans l'album de famille que l'on va retrouver son visage. De cette manière, les images oniriques sont affermies par les images photographiques, et ces dernières reçoivent, par les récits des songes, de l'épaisseur et de la vitalité. 59Les repas de famille offrent l'occasion de reparler des rêves et des personnages qu'ils mettent en jeu et de réécrire leur histoire, qui n'est jamais définitive. Mais aussi, surtout lorsqu'ils réunissent différentes générations, ils deviennent le lieu de plusieurs apprentissages transmission de la faculté onirique, comme ces repas où Teresa, en écoutant Angelina, avait appris à rêver ; transmission du savoir interprétatif à travers une mémorisation de la clef des songes ; initiations aux mystères de famille, parce que parler de rêves, ce n'est rien d'autre que parler famille ». Le caractère répétitif du discours sur les songes, étant donné que le répertoire onirique ne compte pas plus d'une dizaine d'expériences suivies de leurs gloses, infatigablement réitérées, facilite ces apprentissages. 60Tout en étant répétitive, la parole que suscite le rêve n'est jamais monotone, parce que l'élaboration de l'histoire familiale n'est jamais achevée. Une fois établie une vérité, il faut encore en reparler, la retravailler ensemble, dans une sorte de psychanalyse collective qui fait remonter à la surface l'irrésolu, pour essayer de le résoudre à l'aide des vertus thérapeutiques de la parole. S'il y avait déjà dévoilement dans l'interprétation du symbole obscur extrait de l'imagerie onirique, dans cette deuxième opération révélatrice qu'est la glose du rêve, le dévoilement est bien plus radical il est plus efficace, puisqu'il concerne un passé à refaire, plus étendu, puisqu'il atteint des territoires bien plus vastes que ceux qui avaient été éclairés par la construction du présage, et enfin il est plus puissant, puisque c'est un langage qui permet de parler de l'interdit de la maladie, de la mort, des responsabilités individuelles, des conflits familiaux, sexuels ou économiques, de la passion amoureuse et de ses dangers fatals. Ce sont les femmes qui prennent cette parole sociale », elles qui, en Sicile, sont exclues des enjeux sociaux les plus fondamentaux. Ce sont encore elles qui font, dans le sens de l'avenir, en énonçant le présage, et refont, dans le sens du passé, en commentant le rêve, la destinée des hommes, qui est le centre de toute spéculation. 61Aujourd'hui, Teresa, souche du groupe de parents émigrés dans le nord de l'Italie, à chaque nouvelle occasion de rencontre, autour d'une table, par le biais du rêve, parcourt à nouveau et réécrit l'histoire de notre famille, tressage des destins individuels dénoués15 au fil des récits oniriques.

rêver de se disputer avec sa sœur